giacomopucciniGiacomo PUCCINI (né à Lucques en 1858, mort à Bruxelles en 1924). Issu d'une famille de musiciens, il aborda d'emblée le genre d'opéra et composa les œuvres qui assurèrent sa renommée mondiale: Manon Lescault (1893), La Bohème (Turin 1896 et Paris 1900), La Tosca, Madame Butterfly, Turandot..., œuvres qui témoignent d'un instinct très sûr du théâtre, d'un usage constant d'effets qui portent sur le public.
Messa Di Gloria
Août 1875... Un jeune musicien de 17 ans s'éloigne de sa ville natale : Lucca. Vingt kilomètres le séparent de son but : le théâtre Verdi de Pise, où il se rend, à pied, afin d'assister à la représentation d'Aïda. Sans s'en douter, Giacomo PUCCINI parcourait ce jour-là son chemin de Damas. Aïda ? Ce fut la révélation absolue, l'évidence fulgurante : il serait musicien de théâtre, il serait le nouveau Verdi
Au diable donc le poste d'organiste et de Maître de Chapelle de Duomo San Martino à Lucca. Il ne serait point le représentant de la cinquième génération des Puccini à suivre la voie musicale rythmée par les offices religieux ! Tout le prédestinait cependant à cette charge : l'enseignement reçu à l'Institut Musical, ses débuts à l'âge de dix ans comme soprano garçon à la tribune de San Martino, ses études d'organistes couronnées d'un prix alors qu'il n'avait que 16 ans, et bien sûr le charisme de la renommée municipale acquise par son musicien de père et qui retombaient comme une chape de plomb en pluie de responsabilités et de devoirs sur les épaules du fils. Du reste, tribut familial facilité de se faire jouer, PUCCINI commença par écrire des œuvres religieuses : un motet, un Credo, des hymnes...
1876... PUCCINI entreprend une Messe et y insère deux pages, d'inspiration religieuses, écrites antérieurement. La première exécution a lieu en 1880 et la presse locale se fait l'écho ému et enthousiaste du talent désormais reconnu et établi du digne fils Puccini.
Que n'a-t-on perçu alors le tempérament du compositeur. Un tempérament qui, bien que se cachant parfois derrière le paravent de la musique d'église et de son sentiment de religiosité respectueuse des traditions, éclate à tous moments au travers de lignes vocales lyriques, verdiennes, au travers d'un tissu orchestral d'essence symphonique riche en couleurs, articulations et tensions dramatiques.
En fait de Messe, celle de PUCCINI ne peut se concevoir qu'alliée des deux adjectifs profane et décorative. Même si le style fugué et le traitement contrapuntique semblent vouloir faire illusion, le propos de PUCCINI n'est que dramatique et essaye à mettre en lumière les épanchements d'un cœur aimant et exalté, aussi, disséquant l'émotion au rasoir des passions humaines, il s'attache à nous dépeindre au travers de ces Kyrie, Gloria, Credo, Sanctus, Agnus Dei, l'amour et la douleur, les larmes et la joie, la sérénité, le recueillement et l'espoir.
Le scalpel de sa plume humaine, trop humaine, s'y révèle sûr de sa justesse d'expression. Si sûr qu'il n'hésite pas, avec un clin d'œil, à rendre hommage à son modèle (Verdi) en faisant résonner à nos oreilles étonnées des échos de Nabuchodonosor ! Verdi, qu'il égale déjà presque car cette Messe est une gageure tant par sa tentative d'intégrer le bel canto à la musique religieuse (Verdi composa son requiem en 1874), que par son emploi symphonique de l'orchestre qui acquiert ici une véritable autonomie par rapport au matériau vocal. Là se préfigure le futur PUCCINI.
Et l'on perçoit, sous-jacent, ce désir, cette nécessité musicale qui lui fera dire plus tard ; " Il me faut mettre en musique des passions véritables, il faut que je les sente, qu'elles m'empoignent, me secouent... " A ce sujet, l'Agnus Dei et le Kyrie sont exemplaires puisque PUCCINI les réutilisera, l'un dans Manon Lescaut, l'autre dans Edgar que ce sens dramatique, profondément lyrique, le jeune créateur sait aussi l'adapter aux exigences de recueillement de gravité, de majesté que requiert le sentiment du religieux.
Sentiment dont il recherchera l'expression adéquate dans cette Messe lorsqu'elle lui sera nécessaire dans Tosca (le Te Deum) et dans maints passages de Suor Angelica. Curieusement, jamais il ne tentera de faire éditer sa Messa di Gloria et l'œuvre attendra jusqu'en 1951 pour connaître enfin sa seconde édition.
D'après Alain FERON